Le développement de la finance digitale, à travers le paiement mobile, est identifié comme un axe prioritaire pour la mise en place d’une stratégie nationale d’inclusion financière, et ce, pour plusieurs raisons, à savoir: un taux de pénétration mobile très élevé, l’accessibilité, la rapidité dans les zones éloignées, un coût limité et une contribution pour la réduction du cash en circulation.
Le cash a un coût, aussi bien au niveau micro sur les individus et les entreprises qu’au niveau macro sur le PIB et l’employabilité en général. En effet, au niveau micro, les études établies en 2016 par la société «Visa cashless cities» indiquent que «les entreprises consacrent en moyenne 2% de leurs revenus par mois aux paiements entrants non-numériques. Les consommateurs non bancarisés dépensent en moyenne, entre 7 et 15 dollars par mois pour les activités de retraits d’espèces, d’encaissement de chèques…etc. Ils consacrent près de 32 heures par an, soit une semaine entière par an, pour toute opération bancaire : le déplacement, la collecte des fonds, le paiement des factures, etc.».
Selon la même étude, les espèces aux États -Unis coûtent 200 milliards de dollars par an et 28 milliards de dollars en Inde.
Il est à noter que l’utilisation des paiements électroniques pourrait avoir un impact au niveau macro-économique, notamment sur le PIB du pays. Ainsi, d’après l’étude publiée en 2016 par Moody’s investors service (société active dans l’analyse financière des entreprises commerciales et d’organes gouvernementaux), l’utilisation au Maroc des paiements électroniques a contribué à l’augmentation du PIB à 0,04%, soit 0,17 billions de dollars. En France, le taux du PIB est de 0,03% (3,06 billions de dollars), et 0,18% en Afrique du Sud (3 billions de dollars).
La stratégie nationale d’inclusion financière, «les actions menées pour développer les paiements mobiles en Tunisie, qui ont été approuvées par un conseil ministériel le 25 juin 2018, renferme trois piliers: un cadre réglementaire approprié, une interopérabilité réelle et efficace, une éducation et une protection de la clientèle des services financiers». Au niveau du ministère des Finances, un comité regroupant toutes les parties prenantes a été créé, chargé de faire face aux obstacles relatifs à l’interopérabilité. Une opération de test a montré que le transfert par mobile entre les postes et les banques est possible aujourd’hui. Mais cela nécessite des préalables afin d’assurer la réussite de ce système que les banques sont appelées à y adhérer. La Poste tunisienne a adhéré à la politique d’inclusion financière en développant des services financiers digitaux et en lançant une panoplie d’offres en partenariat avec les opérateurs de téléphonie mobile. D’autres institutions sont concernées par ces services outre le secteur bancaire, les compagnies d’assurance, les IMF…
Une nouvelle vision concertée pour une inclusion financière responsable est indispensable aujourd’hui, et, selon une approche globale du secteur financier, détermine les objectifs chiffrés et les actions à entreprendre pour permettre à la population non ou mal servie par les services financiers formels d’y accéder tout en préservant la protection du consommateur et la stabilité du secteur financier, en général.
Finance digitale, très peu développée
La Stratégie nationale d’inclusion financière (2018-2020), élaborée par le ministère des Finances, vise à assurer au cours des années à venir l’accès et l’utilisation d’une gamme diversifiée de produits et services financiers, adaptés aux usagers, consentis à des coûts abordables, à l’ensemble des opérateurs économiques et particulièrement les jeunes, les femmes, les populations rurales et les MTPE-PME. Le développement de la finance digitale représente un enjeu d’importance dans la Stratégie nationale d’inclusion financière. Encore très peu développée aujourd’hui, la finance digitale est surtout l’apanage de La Poste, pionnière en la matière et acteur central de ce secteur avec ses cartes E-dinar qui s’appuient sur un réseau marchand de bureaux de poste qui maille densément le territoire national. Les opérateurs de téléphonie mobile se sont, eux aussi, lancés dans la course en proposant un panel de services financiers mobile (SFM) à leurs clients, mais sans toutefois parvenir à imposer leur offre auprès des citoyens pourtant massivement utilisateurs de téléphones mobiles. Le taux de pénétration de ces derniers était en effet de 118% en 2015, alors que seuls 4% des Tunisiens utilisaient des SFM à la même époque. Le développement de ce secteur est donc important à plus d’un titre pour l’inclusion financière, en premier lieu, car l’élargissement de l’offre et de l’utilisation de tels services permettra de démultiplier presque exponentiellement les points d’accès au système financier global dans l’ensemble des régions du pays. Mais les effets économiques au niveau national sont tout aussi importants, puisque la finance digitale permettra à terme de réduire notablement la masse monétaire en circulation. Cela rendra les échanges commerciaux beaucoup plus fluides, sécurisés et rapides tout en rendant possible un meilleur contrôle des flux monétaires domestiques et internationaux. Des défis se posent toutefois au secteur, notamment dans le domaine réglementaire et du point de vue de l’interopérabilité des services. Ces deux thématiques constituent aujourd’hui un frein important au développement massif et harmonieux de services de paiement électronique.